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afrobeat

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            La musique africaine comporte une multitude de dimensions et de styles différents, la rendant impossible d’être classée sous une seule et même catégorie ‘Afro’, ou pire, ‘World’. La musique Afrobeat elle-même, avant d’être utilisée par certaines personnes comme un terme générique, est ancrée culturellement et répond à des caractéristiques bien précises. Avant d’être appropriée par les musiciens nigérians, l’histoire commence au Ghana où une musique nouvelle émerge à partir des années 1900, fusionnant la musique traditionnelle ghanéenne aux influences américaines et caribéennes du Jazz et du Calypso. C’est la naissance du Highlife, qui se développe ensuite au sein de l’aristocratie ghanéenne et dans toute l’Afrique de l’Ouest. Le Highlife reprend alors très simplement les codes du Jazz en y ajoutant simplement des vocaux, voire des instruments ghanéens. Les stars du Highlife alors sont E.T. Mensah puis Ebo Taylor et le collectif African Brothers Dance Band. Leur chanson 'Ofie Nwansena' illustre bien l’aspect « jazz africain » qu’on retrouve à l’époque.

A l’origine de l’Afrobeat, on retrouve également la musique Fuji, issue de la musique traditionnelle du peuple Yoruba, une des principales ethnies au Nigeria. Cette musique, très rythmée et bourrée de percussions diverses, va apporter le dynamisme et le volume sonore si caractéristiques de ce style.

            Et l’Afrobeat dans tout ça ? Raconter l’histoire de l’Afrobeat, c’est avant tout raconter l’histoire d’un homme, Fela Anikulapo Kuti. Devenu une figure politique et culturelle centrale au Nigeria, son influence s’étend bien au-delà de ses innovations musicales. Né au sud-ouest du Nigeria en 1938, il fait partie de cette génération de musiciens nigérians qui se sont appropriés les codes du Highlife dans les années 60. Après des études de musique au Trinity College of Music de Londres, il revient au Nigeria en 1963 en espérant connaître le succès avec son groupe d’afro jazz Koola Lobitos. Mais sa carrière va prendre un réel tournant en 1969 lors d’une tournée aux Etats-Unis. Il y rencontre Sandra Izsadore, chanteuse et militante noire au sein des Black Panthers. Son ouverture aux idées du Black Power est une vraie prise de conscience pour le musicien qui revient au Nigeria profondément changé. A son retour, il rebaptise son groupe Africa ’70 et abandonne la musique purement jazz pour des rythmiques africaines plus traditionnelles : l’Afrobeat est né.

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            La musique de Kuti se construit petit à petit, définissant les contours d’un style nouveau. Techniquement, l’Afrobeat intègre les différents styles cités auparavant pour créer une musique dynamique, construite sur un rythme syncopé constant pendant dix à quinze minutes autour duquel évoluent le reste des instruments. Niveau instrumentation, une formation d’Afrobeat est souvent assez monumentale, regroupant une vingtaine de musiciens. En plus de la formation de Jazz classique, on y trouve aussi plusieurs guitares et une guitare basse, ainsi que des claviers. Enfin, le tout est accompagné d’une multitude de percussions africaines et caribéennes, comme les conga, les claves, les akuba ou les shekere.

En plus de ça, Fela Kuti se démarquait par un engagement politique très fort pour le panafricanisme et contre la kleptocratie et les inégalités. A partir de 1974, il regroupe famille, amis, et musiciens sur son domaine qu’il nomme la République de Kalakuta et qu’il déclare indépendant du pouvoir politique. C’est notamment là-bas qu’il enregistre les albums Expensive Shit (1975) et Zombie (1977), dont les chansons éponymes, au message politique très fort, connaîtront un succès immense. Parmi ses plus grandes chansons, ‘Water No Get Enemy’, sortie en 1975, caractérise très bien son projet musical. Joint à ce morceau emblématique, une des rares vidéos de Fela Kuti en concert, ici à Berlin en 1978. Son énergie sur scène, à la voix comme au saxophone, se ressent même à travers l’écran.

            Par la suite, Fela Kuti use de sa notoriété et de son influence pour diffuser de plus en plus largement son message politique. Il tente même d’entrer en politique en créant son propre parti, mais sans grand succès. Il multiplie les passages en prison et continue les tournées à travers le monde, jusqu’à sa mort en 1997. Signe d’importance du personnage, après avoir mené une lutte acharnée contre lui pendant des années, les autorités militaires déplorent la perte de « l'un des hommes les plus valeureux de l'histoire du pays » et déclarent 4 jours de deuil national. Depuis, il a laissé derrière lui un héritage considérable. En plus d’être célébré chaque année dans le monde entier lors du ‘Fela Day’, ses musiciens continuent de diffuser l’Afrobeat. Le plus important est probablement Tony Allen, batteur de Kuti depuis ses débuts et considéré comme un des plus grands batteurs du monde. Il propage aujourd’hui son rythme signature en collaborant avec de très grands artistes comme Damon Albarn, leader de Blur et Gorillaz. C’est aussi lui à la batterie dans le morceau ‘La Ritournelle’ de Sébastien Tellier. Enfin, les fils de Fela Kuti sont aussi des représentants importants de la musique nigériane. Femi Kuti d’abord, qui crée le groupe Positive Force avec Dele Sosimi, mais aussi Seun Kuti, fort de sept albums studio et d’une nomination aux Grammy Awards.

            L’Afrobeat est aujourd’hui très populaire et a été repris par une multitude de groupes à travers le monde. En Afrique, le trompettiste sud-africain Hugh Masekela a produit plusieurs chansons proches de l’Afrobeat, tandis que le ghanéen Pat Thomas continue de sortir des albums et a été récemment remixé par le duo de House néerlandais Detroit Swindle. Mais l’Afrobeat a aussi été réapproprié par de nombreux collectifs européens ou américains. On citera notamment les groupes new-yorkais Antibalas, Kokolo et The Budos Band, le collectif londonien KOKOROKO, les néerlandais de Jungle By Night (adoubés par Tony Allen lui-même) ou encore Abayomy Afrobeat Orquestra, qui réussit avec brio la fusion entre Nigeria et Brésil. En définitive, l’Afrobeat a la particularité d’être profondément ancré culturellement tout en ayant une volatilité géographique considérable. Preuve en est que cette musique, pourtant assez complexe, parle à toutes et tous en s’adressant d’abord aux hanches.

À écouter aussi (Afrobeat, Highlife et Afrobeat revival) :

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Orlando Julius - Disco Hi-Life [Jofabro, 1979]

Esa - A Muto [Atesa, 1986]

Nana Tuffour - Sikyi Medley [Black M Sounds, 1993]

Pat Thomas - Bubu [Strut Records, 2019]

Bosq - Alode (feat. Kaleta) [Ubiquity, 2018]

The Budos Bands - The Volcano Song [Daptone Records, 2005]

Jungle By Night - Hot Mama Hot [Kindred Spirits, 2011]

Kokolo - Ethiopia [Peace & Rhythm, 2015]

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